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@@ -17,7 +17,7 @@ Chez QUILLAU l'aîné, Libraire, rue Christine ; et chez les Marchands de Nouvea
**M DCC LXXXV.**
[3;601]
-J'ai l'honneur d'être Musicien, et de plus, Somnambule. Cette dernière qualité me rapporte beaucoup plus que la première. Un Docteur *magnétisant* par toute la France a trouvé plaisant de me voir exécuter, en dormant, des morceaux de musique assez difficiles. Il a jugé que je pourrai, avec mon instrument, amuser ses malades dans leurs crises, et l'aider à plonger dans le somnambulisme ceux qu'il prétendait guérir par cette nouvelle méthode. Nous avons parlé ensemble du Salon de Peinture qui attire aujourd'hui la foule des curieux. Mon Esculape m'a juré que plusieurs des morceaux qu'on y voyait [4;602] étaient doués d'une vertu *magnétique* : ce sont apparemment ceux qui fixent le plus les regards du Public. Il m'a proposé de visiter avec lui ce Salon, et d'écrire le jugement que j'en porterais.
+J'ai l'honneur d'être Musicien, et de plus, Somnambule. Cette dernière qualité me rapporte beaucoup plus que la première. Un Docteur *magnétisant*[^2] par toute la France a trouvé plaisant de me voir exécuter, en dormant, des morceaux de musique assez difficiles. Il a jugé que je pourrai, avec mon instrument, amuser ses malades dans leurs crises, et l'aider à plonger dans le somnambulisme ceux qu'il prétendait guérir par cette nouvelle méthode. Nous avons parlé ensemble du Salon de Peinture qui attire aujourd'hui la foule des curieux. Mon Esculape m'a juré que plusieurs des morceaux qu'on y voyait [4;602] étaient doués d'une vertu *magnétique* : ce sont apparemment ceux qui fixent le plus les regards du Public. Il m'a proposé de visiter avec lui ce Salon, et d'écrire le jugement que j'en porterais.
« La Peinture, m'a-t-il dit, n'est pas pour vous une matière étrangère; il règne entre tous les Beaux-Arts une analogie manifeste; et un Musicien peut juger, mieux qu'un Peintre, les Ouvrages des Apelles, parce qu'il n'est pas dans le cas de les voir avec rivalité et partialité, et qu'il n'a pas les préjugés de l'état. Si M. Gluck a dit qu'il voulait oublier qu'il était Musicien, pour être entièrement Peintre, vous pouvez vous immiscer dans l'art des Zeuxis et des Praxitèles. Feu M. le Prince, habile paysagiste, se trouvant au pouvoir des Corsaires, les enchanta, comme un autre Orphée, avec son violon; vous en ferez autant avec le vôtre. Vous commencerez par amener vos Auditeurs à ce doux bâillement, précurseur du sommeil, et vous finirez par les endormir tout à fait avec votre plume ».
D'après des raisonnements si flatteurs, je me suis déterminé à écrire mon jugement sur les Peintures et Sculptures [5;603] du Salon, d'autant plus volontiers que j'ai été aussi chargé de cette commission par la Société des *Enfants de l'harmonie*. Je laisse aux Peintres à juger de la distribution plus ou moins heureuse des lumières, de la justesse des contours, du groupement et balancement des figures, des tons plus ou moins argentins , et je m'attacherai uniquement à l'esprit des choses; car il faut aussi que quelqu'un se charge de cette partie essentielle. J'examinerai enfin ce qu' un Artiste n'examinerait peut-être pas. Par exemple, en observant la statue de Blaise Pascal, méditant avec une attention bien caractérisée, je remarquerai que ce pieux Philosophe, mort à 33 ans, est représenté trop âgé par M Pajou : il y a même une singulière méprise. Ce grand Géomètre a fait des expériences sur la pesanteur de l'air -au haut d'une montagne nommée le Puy du Dôme. Le Sculpteur a gravé sur un tableau un puits avec un tiphon. Il paraît clair qu'il a pris une montagne pour un puits. Voilà une de ces observations qui peuvent échapper aux critiques Artistes, et que je relèverai en glanant après eux. (J'ai vu avec plaisir , hors du Salon, la Psyché abandonnée du même Aut-[6;604] eur.) Le Maréchal de Vauban, par M. Bridan, est principalement caractérisé par son nom qui est au bas ; mais sans être mauvais, ni même médiocre, il n'attire pas fortement l'attention publique. Jean La Fontaine, par M. Julien, est plongé dans une douce méditation. Ces figures sont exécutées en marbre. Les quatre nouvelles commandées pour cette année sont soumises au jugement public, seulement en plâtre. Le Grand Condé jetant son bâton de commandement dans la mêlée des ennemis, par M. Rolland, attire les regards; mais j'ai vu le même sujet traité plus heureusement, ce me semble, par M. Dardel. Le héros avançait tout le corps pour se précipiter à la suite de son bâton; celui de M. Rolland, au contraire, paraît se contenter d'y précipiter les autres ; et n'est pas d'ailleurs assez noble, du moins à mes yeux. Abraham Duquesne, par M. Monot, est assez bien posé ; il a même l'air d'un brave homme; mais il est peu imposant. Racine, représenté par M. Boizot dans le moment de la composition, n'a pas, ce me semble, un enthousiasme bien spirituel. Mathieu Molé, Premier Président, Garde des Sceaux, par M Gois, [7;605] a une figure vraiment vénérable, qui rappelle celle du Chancelier de l'Hôpital, par le même Auteur. Le bon Philopœmen avalant la ciguë, par M. de Joux , est nu et bien maigre ; un prisonnier, à qui l'on donne la mort, peut bien être dans cet état qui sollicite la commisération. Mais M. Pigal eut tort, quand il représenta autrefois Voltaire en Apollon, aussi décharné ; ce n'était pas là la figure d'un Dieu jouissant d'une jeunesse immortelle. Ces statues ornent la cour qui conduit au Salon.
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[^1]: La citation est tirée de l'*Epître aux Pisons* (appelé aussi Art poétique), poème d'Horace, poète latin contemporain d'Auguste. « Quand le poème a des beautés, quelques taches ne me choquent pas. » ( *Art poétique*, 351.)
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+[^2]: Franz Anton Mesmer (1734 - 1815) médecin allemand et théoricien du mesmérisme où il affirme pouvoir guérir les malades par une méthode magnétique. Celle-ci passe par la mise en place d'un baquet d'eau dite "magnétisée" où les malades sont installés afin de les guérir collectivement. Mesmer a vécu en France durant un court laps de temps (1778 - 1785) et a été ridiculisé tout du long par des savants de l'époque malgré sa popularité. A la suite de ces nombreuses critiques, il décida de quitter le pays au début de l'année 1785.